
Comment tuer une “licorne”
Pour être innovant, il faut comprendre les intérêts des consommateurs et le marché, en créant des projets novateurs à succès. Privilégier le « comment » au milieu des « waouh !» est indispensable. Ce que les grandes entreprises perçoivent comme des innovations extrêmes sont souvent les idées les plus évidentes pour les start-ups. Elles ne se posent pas forcément les bonnes questions et se contentent souvent de solutions rapides.
Une équipe diversifiée et la place au débat : sources d’innovation
La société d’innovation mondiale Fahrenheit 212 a été fondée par Mark Payne. Même si vous n’en avez jamais entendu parler, vous avez sans doute déjà vu ses travaux. Elle a aidé un grand nombre de sociétés parmi les plus importantes dans le monde, incluant Samsung, Coca-Cola, Nestlé et Toyota, à développer des idées innovantes, des stratégies et des produits. Que peut donc vous apprendre Fahrenheit 212 sur l’innovation ? Qu’il faut d’abord monter une équipe composée de personnes variées. Chez Fahrenheit, il y a une équipe de rêve dédiée à « l’Argent » et à la « Magie ». C’est-à-dire qu’ils combinent des experts de l’argent : des as commerciaux, financiers et stratégiques, ainsi que des experts qui savent naviguer parmi les désirs et les besoins des consommateurs.
Pourquoi cette combinaison est-elle gagnante ? Considérons une idée ou une stratégie innovante qui plaît aux consommateurs, mais ne génère pas de profit. Sans un résultat net, l’idée ne sera probablement pas viable à long terme. Voyons comment Fahrenheit 212 met ces conseils en pratique. Pour aider à transformer le nouvel écran LCD translucide de Samsung en une technologie rentable, Fahrenheit a rassemblé une équipe d’analystes et d’experts financiers (Argent) et de designers, écrivains et producteurs de cinéma (Magie). Ensemble, ils ont proposé des solutions de produits créatifs, financièrement et stratégiquement viables.
Par la suite, pour arriver à ces grandes idées innovantes, mieux vaut oublier les brainstormings, mais plutôt essayer de débattre avec votre équipe. Une étude de 2003 menée à l’UC Berkeley montre que débattre et critiquer permet de les stimuler, plutôt que d’inhiber leur développement d’idées. Pour cette expérience, des chercheurs ont composé plusieurs groupes parmi 265 étudiants et leur ont demandé de trouver une solution à un problème d’embouteillage. L’un de ces groupes devait faire un brainstorming sans émettre de critiques, alors qu’un autre groupe devait débattre, tous ses membres étant libres de contester leurs idées. Après 20 minutes, le groupe de débat fournit des idées bien plus créatives que le groupe de brainstorming, montrant l’importance de la critique constructive et d’un éventail de points de vue, dans le processus d’innovation créative.
Comprendre les intérêts des consommateurs et le marché
Vous avez donc assemblé votre équipe de rêve. Quelle est la suite ? Voyons comment l’équipe de Fahrenheit s’attaqua à un problème rencontré par une banque à Dubaï : en moyenne, les clients achetaient seulement deux produits de la banque, négligeant un vaste choix de services. Fahrenheit choisit d’abord une approche du problème depuis le point de vue des consommateurs. Se mettre à la place des clients de la banque a permis de révéler la base du problème : ces derniers ne lui faisaient manifestement pas entièrement confiance. Ils avaient peur que les conditions des produits puissent changer à leur désavantage et tentaient par conséquent de limiter les risques, en achetant seulement un ou deux produits. Fort de ces nouvelles connaissances, Fahrenheit commença à vérifier tous les aspects liés à l’activité de la banque, des systèmes informatiques aux déclarations de pertes et profits. Il fut vite devenu apparent que les produits souffraient de leur compartimentation.
Bien souvent, les initiatives prises par un département étaient totalement déconnectées de celles des autres instances. De plus, chaque produit ayant son propre logiciel, les clients n’arrivaient pas à voir l’intérêt d’accumuler différents types d’actifs financiers. Ayant pris conscience des difficultés du côté des clients et de celui des affaires, l’équipe de Fahrenheit était prête à résoudre le problème. Ils créèrent un système informatique, ainsi qu’un produit appelé « Mosaic » connectant entre eux les nombreux produits de la banque. Si vous ouvriez un compte courant par exemple, les conditions d’autres services, disons le taux d’intérêt d’un prêt automobile, auraient été également améliorées. Par ailleurs, « Mosaic » fonctionnait très bien sur tablette, permettant ainsi aux clients de vérifier facilement l’évolution de leurs chiffres, suite à l’ajout de nouveaux produits. Cela permettait d’instaurer une confiance, car il leur était maintenant rappelé les avantages financiers potentiels, plutôt que les risques encourus en accumulant leurs capitaux.
Les vecteurs de projets innovants à succès : le comment et le waouh !
Une idée vous a-t-elle déjà frappé comme la foudre, vous laissant exalté et délicieusement heureux ? Lorsqu’une idée nous vient subitement en tête, cela déclenche souvent un sentiment d’euphorie, un effet « waouh !». Cette onomatopée fait référence à ces grandes idées qui semblent contenir des possibilités tout aussi attrayantes pour le consommateur que le créateur, celles-là mêmes qui peuvent potentiellement guérir un marché qui va mal ou mettre à disposition de la société des produits, ainsi que des services vraiment nouveaux et précieux.
Toutefois, avant de vous laisser emporter par de telles visions, rappelez-vous que ressentir une étincelle d’inspiration ne suffit pas. Le « waouh !» doit être accompagné par le « comment ». La partie pratique d’un projet, comment vous allez faire naître le « waouh ! », est tout aussi importante que la première explosion d’inspiration. Vous devez donc vous poser des questions telles que : « Comment faisons nous ? », « Combien cela coûte-t-il ? » ou « Comment allons nous générer du profit ? » Ne pas se poser les questions du « comment » revient à planifier un dîner exquis composé de plats spectaculaires, que vous ne savez absolument pas réaliser.
Les grandes innovations, ne sont pas seulement des moments « eurêka !». En réalité, le « waouh !» ne doit pas nécessairement arriver en premier. Vous devriez commencer avec le « comment », c’est-à-dire les tâches les plus logistiques, comme prendre en considération la réalité financière ou opérationnelle du marché. A partir de là, vous pouvez trouver votre façon d’épater le marché. Revenons à l’équipe de Fahrenheit pour voir comment ils intègrent cela dans leur approche du problème de la banque de Dubaï.
Plutôt que d’espérer trouver l’inspiration avec un facteur « waouh !», ils se sont d’abord posés un grand nombre de questions « comment », telles que « Comment unifier différents modèles économiques, afin d’en faire une seule et même entité digne de confiance ? ». La solution a donc été de connecter les différents produits de la banque. Ce que les grandes entreprises perçoivent comme des innovations révolutionnaires sont souvent les idées les plus flagrantes pour les start-ups. Nous avons tous entendu les histoires de ces start-ups miracles, dont les innovations majeures ont vu le jour dans un garage ou une chambre de dortoir.
Maintenant, tout le monde veut imiter l’approche des start-ups, y compris des sociétés déjà reconnues. Fahrenheit 212 est souvent approchée par des entreprises de taille moyenne ou même des plus grandes, souhaitant adopter plus de stratégies téméraires et novatrices qui font le succès des jeunes pousses. Pourtant, ces dernières ne matérialisent pas leurs concepts de cette façon. Elles considèrent en fait souvent leurs idées, leurs projets ou leurs stratégies comme étant évidentes. Examinons la société new-yorkaise de spiritueux, Tuthilltown Spirits, comme un cas d’étude d’une start-up ayant employé une stratégie tellement « évidente », que cela pourrait paraître remarquablement brillant d’un point de vue extérieur. Lorsque Tuthilltown Spirits entra sur le marché, les fondateurs savaient qu’ils allaient se retrouver en compétition avec des distilleries vieilles de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles. Ils pensèrent donc que la priorité était de trouver une façon de vieillir leur whisky plus rapidement.
C’est en utilisant des fûts beaucoup plus petits que ceux utilisés traditionnellement dans la plupart des distilleries, qu’ils purent y arriver. Ils ont également découvert que l’utilisation de trous en forme de nid d’abeille dans les fûts accélérait le processus de vieillissement. De plus, contrairement à la plupart des distilleries de whisky, ils produisirent également différentes variétés de whisky. Il était tout naturel pour eux de le faire, car ils travaillaient avec des producteurs locaux, qui leurs fournissaient différentes variétés de grains.
L’utilisation de bouteilles moitié moins grandes pour la distribution était une autre solution interne évidente. Ils ont fait cela pour atteindre une autre variété de distributeurs, malgré un rendement encore assez bas. Cette idée s’avéra être un vrai succès. Les bouteilles plus petites étant plus faciles à dérober, les propriétaires de magasins durent les placer à des endroits beaucoup plus visibles pour réduire les vols, apportant à la marque une grande visibilité supplémentaire.
Bien se questionner : credo potentiel des entreprises existantes
Si les start-ups innovent, que peuvent faire les entreprises existantes ? Lorsque vous rencontrez un problème au travail, votre premier réflexe est-il de le résoudre le plus rapidement possible ? Si c’est votre cas, vous allez peut-être le faire de la plus mauvaise des façons. Pour vous montrer que la solution facile n’est pas la plus efficace, regardons de plus près une marque d’hôtel valant des milliards. Tout d’abord, le problème : l’entreprise a constaté que de moins en moins de clients importants revenaient dans leur établissement. Qui plus est, il leur était difficile de concevoir des avantages attrayants pour les clients, que les concurrents ne pouvaient égaler.
Bien que l’hôtel se distinguât sur du court terme avec des chocolats haut de gamme sur l’oreiller ou du caviar sur glace raffiné, il ne fallut pas beaucoup de temps aux concurrents pour l’apprendre et adopter des idées similaires. Pour vraiment se démarquer, cette marque voulut développer un programme de fidélité innovant, qui eût pu convaincre les clients de revenir sur du long terme.
C’est ainsi que l’équipe de Fahrenheit rejoignit le projet et a en premier lieu, demanda simplement aux clients importants pourquoi ils ne fréquentaient plus l’hôtel. Ils répondirent que lorsqu’ils recevaient leur carte de membre platine, rien n’était fait pour les encourager à revenir. Ils avaient atteint le niveau le plus élevé et devaient donc réserver un autre hôtel. Autrement dit, ils n’étaient vraiment pas fidélisés ; ils avaient juste apprécié le défi de gravir l’échelon le plus haut du programme de fidélité. C’était donc le problème rencontré par l’hôtel : comment pouvaient-ils faire naître une fidélité réelle chez les clients ?
Contrairement à l’étroite relation que nous avons avec nos amis ou notre famille, dont la fidélité ne comporte par de date d’expiration, le programme de l’hôtel était seulement valable pour 12 mois. Les clients étaient ensuite renvoyés à la case départ : une politique peu favorable à inspirer de la loyauté. Fahrenheit résolut ce problème en assignant à ce programme de fidélité une garantie à vie. Quand les clients atteignaient dès lors le montant maximum de points de fidélité, l’hôtel ne les retirait plus à la fin de l’année. De cette façon, le programme ressemblait à une relation entre amis proches, durable et réciproque. En identifiant la cause sous-jacente, ils furent capables de régler le problème à la source et de faire éclore une réelle innovation.
Conclusion
Créer des solutions innovantes, c’est aborder les problèmes de deux points de vue : celui des consommateurs et celui de l’aspect commercial. Si l’un des deux est mis de côté, il est très probable que la solution ne sera ni bonne ni durable.
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